C’est quoi être naturaliste ?

Profession : naturaliste. Passion : la vie.

Tu fais quoi dans la vie ?

À cette question je réponds souvent herpétologue. Mais devant le regard ahuri de mon interlocuteur, qui m’imagine déjà dans une branche médicale traitant les maladies virales, je précise que non je n’étudie pas l’herpès, mais les reptiles et les amphibiens. Le mot herpétologie vient du grec “herpeton” qui signifie rampant.

(…) Et qu’est-ce qui t’a poussée dans ce domaine-là ?

Les reptiles et particulièrement les serpents me passionnent depuis plusieurs années. Comme Obélix est tombé dans la marmite de potion magique, moi je suis tombée sur un serpent. Un cobra africain plus précisément.

Ooh et t’as pas eu peur ??

Non, pourquoi ? J’ai juste faille faire pipi dans ma culotte et m’enfuir en courant, mais à part ça aucune raison de paniquer ! Non, sérieusement, c’était effrayant. Déjà parce que c’était un cobra et parce que l’animal me dépassait de presque un mètre. Le mètre est important car me dépasser tout court n’est en soi pas bien difficile. Effrayant disais-je, mais de cette rencontre est née une passion qui ne m’a plus jamais quittée.

Il y a des formations dans l’herpétomachin ?

Non. J’ai suivi un master de biologie, écologie et conservation de la biodiversité. L’herpéto, comme beaucoup d’autres disciplines voisines (ornithologie, entomologie…) s’apprend sur le terrain. Les stages universitaires permettent de mettre un premier pied dedans. Moi j’ai choisi d’aller passer quelques mois en Afrique à étudier les serpents. J’aurais pu étudier les singes mais ça ne m’enchantait que moyennement et l’idée d’attraper des serpents venimeux était nettement plus excitante.

(Boiga irregularis), au NE Queensland, Australie
Observation d’un Brown Tree Snake (Boiga irregularis), au NE Queensland en 2015

Et ça veut dire quoi naturaliste ?

Par définition, un naturaliste pratique les sciences naturelles, (zoologie, botanique, astronomie et minéralogie). Beaucoup d’ornitho, d’herpéto ou d’entomo, en plus d’être experts dans leurs domaines, sont également naturalistes.

Me concernant, ça ne date pas d’hier. Petite fille déjà j’adorais mettre le nez dans une mare pour observer les grenouilles ou scruter les murs de pierres ensoleillés à la recherche d’une vipère se dorant au soleil. Car toute cette vie autour de nous est intéressante et fascinante. On ne s’ennuie jamais à regarder la vie, observer son existence, paisible ou agitée, éphémère ou à durée de vie humaine. On découvre même de la beauté et de la poésie dans ce monde vivant, que ce soit dans le battement des ailes d’un papillon ou dans l’ondulation d’un serpent. Et tout ça m’émerveille, me rend heureuse et vivante.

papillon australie
Common Crow (Euploea core), NE Queensland

J’ai de la chance aussi d’avoir des parents qui m’ont appris à regarder cette vie et à la respecter. Je me rappelle ces randonnées en famille à la montagne à admirer aux jumelles les vautours fauves et les marmottes, et ces vacances à la mer à observer les échassiers à marée basse.

Au fil des années, cette passion s’est élargie à d’autres domaines. J’ai commencé à me pencher de près sur les oiseaux en 2013, alors qu’on était en voyage en Territoire du Nord de l’Australie, pays incroyable pour sa diversité d’oiseaux. Les araignées sont arrivées en 2015, toujours en Australie mais cette fois-ci au Queensland, suivies de près par les papillons et les libellules.

araignée queensland redback
La fameuse Redback (Latrodectus hasselti), NE Queensland

Tout ça fait de moi une naturaliste, une passionnée du monde vivant et une amoureuse de la vie (vie sauvage et vie tout court). Voyager me permet de vivre à fond ma passion et de découvrir la faune d’autres pays.

Ça veut dire quoi prospecter ?

Vous imaginez bien que les serpents et autres animaux sauvages n’ont aucune envie d’être dérangés et ne vont pas nous attendre sur le bord du chemin. Il faut donc aller les débusquer, aller les chercher dans leur environnement, c’est ce qu’on appelle prospecter. De jour, de nuit, quand il pleut ou par grosse chaleur à faire tomber les bœufs, la naturaliste s’en va en prospection. Le petit matin est idéal pour observer les oiseaux, les papillons et les reptiles diurnes alors que la nuit sonne l’heure des geckos, des grenouilles, des serpents nocturnes et des chouettes. Entre les deux, je dors et je planche sur l’identification des espèces observées.

Prospection diurne dans une grotte @ Bladensburg NP, centre Queensland, 2016
Prospection dans une grotte @ Bladensburg NP, centre Queensland, 2016

Ça ressemble à quoi une naturaliste ?

On ne traque pas le serpent en ballerines et chemisier. Non, il faut s’équiper. Si vous aller au rayon chasse et pêche des magasins de vêtements, vous aurez une bonne idée de mon accoutrement de terrain.

  • Des bottes, pratique quand on patauge dans la boue ou dans les mares à la recherche de grenouilles ; ça décourage aussi les sangsues et protège les mollets si on marche sur un serpent
  • Pantalon épais et manches longues ou chemise, contre les moustiques la nuit
  • Jumelles, indispensables, je ne sors jamais sans
  • Lampe frontale vissée sur le crâne pour les prospections nocturnes
  • Gants résistants
  • Appareil photo

C’est sûr qu’en ville, je ne passe pas inaperçue.

Au Laos en 2012
Au Laos en 2012

Jouons à Pokémon

En plus de tout ça, je me balade aussi avec mes guides naturalistes qui prennent la moitié de place dans mon sac à dos (le guide des reptiles d’Australie pèse à lui seul 1,5kg). S’il faut lâcher du lest, je préfèrerais jeter mes T-shirts que mes bouquins. Bah oui, quand je vois un animal que je ne connais pas (ce qui arrive souvent) il faut bien que je l’identifie. Et si je ne le connais pas, ça en fait un nouveau !

On l’a pas celui-là, youpi ! Et hop je le coche sur mon bouquin. Plus que 439 espèces d’oiseaux à voir, on y est presque !

guides naturalistes

Et au fur et à mesure que l’on voyage, on change de région et d’habitat, ce qui débloque des espèces et en bloquent d’autres. Par exemple, quand on va dans le désert, à 600 km des côtes, le Python olive et le Spinifexbird se débloquent et un signal lumineux vert nous avertit qu’ils sont ouverts à l’observation !

Vous l’aurez compris, pour être naturaliste, il faut une bonne dose d’émerveillement, une poignée de curiosité, un soupçon de folie, une goutte d’inconscience et 100% de passion.

On pourrait penser qu’être naturaliste n’est pas de tout repos, mais il y a bien pire encore : être le petit copain de la naturaliste. C’est du vécu, et c’est dans le prochain article « Sortir avec une naturaliste sur le terrain et dans la vie ».

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6 comments

  1. Hello hello !

    Je me retrouve en partie dans ta description : enfance dans la nature, sorties nocturnes avec bruits étranges, curiosité et émerveillement… et ça fait chaud au cœur car je me sens moins seule !

    Au plaisir de te revoir ici ou là-bas Alison !
    Bises de Bretagne !

  2. Hi Alison, Pleased to hear that you have survived any encounters with nocturnal poisonous snakes.

    I have always been keen on wildlife, and have worked for the BTO (British Trust for Ornithology) monitoring bird -life in areas near where I live. I have contributed to surveys investigating common birds which are in decline, eg cuckoos, house martins, swallows and I keenly watch tv documentaries on wildlife. The BBC currently have an outside broadcast from a nature reserve in East England, where avocets and stone curlews are breeding. Last evening, there were live pictures of a stoat climbing a large tree and raiding the nest of a green woodpecker, killing all the young birds, and taking them one at a time back to her own young in a burrow about 100 metres away. Life in the wild is really cruel. Always good to hear from you. D.

    • Hi Derek, your work sounded very interesting ! Here in Australia a lot of people are also keen on watching birds and there are many birdwatchers associations. They have very good documentaries on BBC and we love David Attenborough’s as well !

  3. Ouaou! génial cette description !
    https://www.vosgestelevision.tv/Journal/Journal-jeudi-12-janvier-1sFsIiKNz.html
    là, c’est moi en rouge.
    On rentre du nord Argentin après le Pérou, Costa Rica, Mada etc et on va probablement aller au Sri Lanca en mars avril. On peut y camper facilement ? On loue une voiture mais on a les mêmes sacs à dos, même poids et mes guides ornitho pesaient presque 1, 8 kg. J’enlève effectivement des tee shirts. C ça la folie !
    Bon voyage
    Claude

    • Bonjour Claude ! merci pour votre commentaire ! 🙂 Camper au Sri Lanka ne me parait pas évident car il y a du monde partout et personnellement je ne serais pas rassurée. Si vous avez un guide avec vous et que vous campez dans des endroits autorisés (réserves, parcs nationaux) ça devrait aller, mais ne l’ayant jamais fait je ne sais pas. Vous devriez aimer le Sri Lanka en tout cas, j’avais été émerveillée de voir une faune aussi riche et diverse, des oiseaux partout !!
      Vous avez du vous régaler au Costa Rica niveau wildlife ! Vous observez juste les oiseaux ou d’autres groupes ?
      Bon voyage !!
      Alison

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