Sortir avec une naturaliste sur le terrain et dans la vie

Après avoir lu le précédent article « C’est quoi être naturaliste ? », ce mot n’a plus de secret pour vous et vous me connaissez un peu plus. Il ne vous reste plus qu’à découvrir maintenant la deuxième personne qui se cache derrière ce blog : le compagnon de la naturaliste. Je retrouve mon interlocuteur :

Et t’arrives à trouver des gens pour t’accompagner en voyage ? (ton incrédule)

C’est sûr que demander à ses potes s’ils sont partants pour attraper des serpents en pleine nuit dans le bush australien, ça les fait plus reculer que lever la main pour se porter volontaires. Quoique j’aie quelques amis naturalistes aussi cinglés que moi qui se précipiteraient en avant.

Mais surtout j’ai Van, mon compagnon, prêt à me suivre dans toutes (ou presque, chaque voyage est un test) ces expéditions aventureuses.

outback australie
Dans l’outback du nord Queensland, Australie

Depuis quelques années, on voyage tous les deux, sac sur le dos, jumelles autour du coup et appareil photo à la main. Passionné lui aussi de nature et photographe amateur, il s’occupe de la partie technique de ce blog et ses photos illustrent articles et galeries.

Sortir avec une naturaliste, il vous le confirmera lui-même, ce n’est pas de tout repos. Surtout que quand on s’est rencontré, il n’avait jamais fait de prospection (encore moins la nuit) ou touché un serpent. [Il faut toujours lire les clauses en petits caractère tout en bas du contrat…kniark kniark].

La nuit, tout fait peur

Se balader la nuit à la lumière des lampes frontales et à l’affût du moindre bruit peut être inquiétant, surtout quand on n’a jamais fait ça. Le vent dans les arbres devient grognement ou sifflement inquiétant, la chouette qui hulule s’apparente à une sourde menace et les termites semblent brouter avec autant de discrétion que mon grand-père à un repas de famille. Le silence nocturne amplifie chaque crépitement et craquement de la forêt.

Van : « Ya un gros truc qui bouge là ! » (lampe tremblotante)

Alison : « Des kangourous qui broutent ! »

Van : « C’est quoi ce bruit ?? »

Alison : « Un crapaud qui s’enfuit. »

Van : « Aaaaah ya un truc qui m’a agrippé le bras !! »

Alison : « C’est moi, pour pas que tu marches sur le crapaud. »

(…)

Van : « Serpent !! »

Alison : « Attrape-le ! »

Van : « Mais t’es malade ! » (…) « Comment on fait ? »

Alison : « J’arriiiiiiive ! »

La nuit, on voit des serpents partout

La nuit, tout se transforme en présence animale. Je ne compte plus les dialogues du genre :

Van : « Serpent ! »

Alison : « Où ça ? »

Van : « Là ! »

Alison : (…) « C’est une liane. »

Van : « aah… »

10min après

Van : « Serpent ! »

Alison : « Où ça ? »

Van : « Là ! »

Alison : (…) « C’est une branche. »

Van : « aah… »

Après 4 branches et 11 lianes,

Van : « Serpent ! »

Alison : « Boarf, c’est sûrement une branche ou une liane » (sans même jeter un coup d’œil)

Van : « Mais il bouge ! »

Alison : « Ça va ça va je viens. » (…) « Créboudiou un serpent ! Mais pourquoi tu me l’as pas dit plus tôt ! »

Van et les crocodiles

Van se rappelle encore notre rencontre avec des crocodiles d’eau douce en Territoire du Nord de l’Australie, il y a 3 ans :

Van : « Heuu, c’est quoi ces lumières rouges dans l’eau qui se déplacent là ?… » (Ton point rassuré)

Je précise qu’il faisait nuit et qu’on prospectait près d’une rivière dans laquelle on s’était baigné l’après-midi même.

Alison : « Ooooh des crocodiles !! Chouette chouette chouette !! Viens on s’approche ! »

(!!!)

Van : « Mais heu t’es sûre ? C’est pas dangereux ? Et s’ils arrivent à grimper ? »

Au même moment un crocodile ouvre grand la gueule et la referme en faisant des bulles et des grands splatchs dans un vacarme peu rassurant.

Van : (…) « J’vais faire dans mon froc »

Alison : « Mais non, ne t’inquiète pas ! C’est le Freshwater Crocodile celui-là, il est petit (que 3,50m voyons, c’est rien !) et assez timide. Ils devaient dormir au fond de l’eau quand on s’est baigné, c’est pour ça qu’on ne les a pas vus… »

Van : « On rentre ! »

Inutile de préciser qu’on ne s’est pas re-baignés ici le lendemain.

L’oiseau-statue

Lors d’une balade dans le bush en Territoire du Nord, Van aperçoit un oiseau à 10m du chemin qui ne bouge pas.

Van : « C’est pas un vrai, il bouge pas ! »

Alison : (stupidement) « Ils font bien les choses dans ce parc national, c’est une bonne idée de mettre des statues des animaux que l’on peut rencontrer ici. »

3 mètres et une seconde pensée après.

Alison : « Attend, c’est quand même bizarre tout ça… Viens, on va voir de plus près. »

Et on s’approche de l’oiseau, toujours aussi immobile, son œil énorme toujours braqué sur nous mais dans lequel on devine une lueur d’inquiétude.

Van : « Mais, mais c’est un vrai ! Pourquoi il s’enfuit pas ? »

Finalement, à moins d’1m de lui, l’oiseau décampe sur ses grandes pattes sans attendre qu’on lui tâte les plumes pour attester de son authenticité. Il s’agissait en fait du Bush-stone Curlew, qui mise sur l’immobilité et son apparence pour se camoufler et se fondre dans le décor. Au dernier moment, il a fini par réaliser qu’il avait été repéré.

Bush-stone Curlew (Burhinus grallarius), NE Queensland
Bush-stone Curlew (Burhinus grallarius), NE Queensland

Les noms des animaux : un véritable casse-tête

Pour que Van et moi on puisse communiquer sur le terrain et se comprendre, il faut qu’on parle la même langue. Celle du naturaliste. Pour ça, pas de secret, il faut apprendre et mémoriser les noms des animaux (je lui ai fait gré des noms latins qui n’auraient rajouté que de la complexité au dialogue et qui auraient pu écourter plus tôt que prévu notre relation).

Van : « Eh, un oiseau là ! »

Alison : « C’est quoi ? » (et ne me réponds pas un oiseau)

Van : « Heu, un échassier… je crois… »

Alison : « vanneau ? chevalier ? huitrier-pie ? barge ? bécasseau ? courlis ? »

Face au silence qui suit, je sais que je l’ai perdu.

Alison : « Il a des grandes pattes ? Il est de quelle couleur ? Comment est son bec ? »

Et petit à petit les noms rentrent. Forcément parfois ça se mélange un peu, ce qui donne des nouvelles espèces aux noms farfelus, mais avec l’habitude j’ai appris à comprendre de quel animal il s’agissait.

Sortir avec une naturaliste, c’est aussi la suivre sur le terrain.

Alison (avec un grand sourire) : « Devine ce qu’on fait ce soir ?? »

Van : « 😀 »

Alison : « Prospection nocturne ! » (Bah quoi t’as l’air déçu ? c’est chouette pourtant !)

Ou encore :

Alison : « Ça y est, il fait nuit, allez on y va enfile tes bottes ! »

Van (confortablement installé dans le canapé devant un film) : « Ah bon ? Tu veux sortir ? Ça te dérange si t’y vas sans moi ? »

Et j’oubliais toutes les fois où on s’arrête dans un nouvel endroit et que je fonce pour scruter les environs à la recherche d’un animal inconnu.

Van : « Mais tu t’arrêtes jamais ? »

Alison : « Si si j’arrive j’arrive… je soulève juste ce tas de pierres là… ooh viens voir une belle araignée ! Tu peux venir la prendre en photo ? »

Van : (soupir résigné…)

van

Une chose est sure, naturaliste ou pas, partager une passion avec celui qui partage notre vie est une chose magnifique. On espère à travers ce blog vous faire partager un soupçon ou carrément un tonneau de cette passion qui nous anime, ainsi que cet amour de la vie et cette magie du monde vivant qui est à portée de nous.

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2 comments

  1. Je lève la main pour les prospections !!!! 😀

    En tout cas c’est super ce que vous faites ensemble, c’est pas toujours le cas d’avoir cette passion commune dans un couple et ça peut être démoralisant… Mais on trouve toujours des amis naturalistes prêt à explorer de nouvelles contrées !! 😉

    Bises!

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