Une sortie ornitho en pleine mer qui vire au cauchemar

Moi : “Eh, ya plein de mouettes et de goélands qu’on n’a pas coché là… mmh (que faire que faire)… Je sais ! On va faire un pelagic boat trip !”

Van : “… C’est quoi un pelagic boat trip ?”

Moi : “On passe la journée en mer sur un bateau, à 50km au large des côtes, pour observer les oiseaux qui vivent au large. Ça va être chouette, on sera au grand air, au soleil et ce sera amusant d’être sur un bateau.” 🙂

Par cette simple phrase, j’ai scellé notre sort. Ah mais au départ ça me semblait une super idée ! Sauf que ça a rapidement viré au cauchemar. (Ya que moi pour avoir des idées pareilles de toute façon).

bateau pelagic boat trip
Notre bateau qui porte le nom hypocrite de “Grinner”, ce qui signifie “sourire de toutes ses dents”. C’est bien la seule chose que je n’ai pas faite à bord de ce maudit rafiot…

Cette journée, que je qualifierai après comme la PIRE journée de ma life, a commencé le matin à l’aube. On attendait sur le quai de Southport (sud-est Queensland) avec d’autres ornitho, tout aussi joyeux et excités que nous, que le capitaine vienne nous chercher pour voguer gaiement vers l’horizon. J’aurais peut-être dû préciser que ni Van ni moi n’avions jamais mis les pieds sur un bateau, encore moins en pleine mer.

“Moi malade ? Moi le mal de mer ? Connais pas, solide comme un roc, allez viendez compagnons !”

… ah.ah.ah. Bref, le moteur rugit et on commence à s’éloigner des côtes. Là je dois encore m’arrêter pour préciser que d’une, le bateau était tout petit et de deux, la mer n’était pas calme ce jour-là.

pelagic boat trip
Bientôt Southport aura disparu et la mer sera notre seul horizon

Au bout de 15min :

“Babyyy, j’me sens pas bieeen, faut qu’j’m’alloonge.”

Et me vlà comme une méduse échouée, allongée de tout mon long à même le pont, toute pâle et blafarde. Les ornitho aguerris ricanent gentiment et continuent de compter les Goélands (tant qu’ils me crottent pas dessus, je peux continuer de mourir en paix). Je reste là entre la vie et l’évanouissement pendant un bon quart d’heure, mais rien à faire ça passe pas, c’est même de pire en pire. Prise d’un mauvais pressentiment, je me relève et vais trouver le capitaine (ce qui me demande toute mon énergie).

“Malade.Vomir.Où ?”

Sans dire un mot, il me montre le pavois (=barrière pour empêcher les gens de tomber). On sent l’homme de la situation, qui a fait ce geste toute sa vie et qui sait que cet endroit précis est le plus optimal pour tous ceux qui, comme moi, sont sur le point de passer la pire journée de leur vie. Bref, même pas la force de dire merci, je m’y précipite, m’accroche à la balustrade et vomis mon ptit déj. Inutile de dire que mes 14 compagnons me regardent avec un mélange de pitié et d’amusement. Mais comment ils font eux ? Ils se déplacent sur le pont comme s’ils étaient dans leur salon, brandissant leurs jumelles à droite à gauche, rigolant entre eux et Oh Lord, boulottant leur encas de 11h.

“Ça vous ennuierait d’éloigner ce sandwich au thon de mes naseaux, yen a qui tentent de survivre là, merci, fort aimable à vous.”

Je sais maintenant que j’ai le mal de mer en bateau. Bon, c’est toujours bon à savoir, même si mon ego est KO. Ce que j’ai découvert aussi, c’est qu’on ne se sent pas mieux après avoir vomi, mais alors pas du tout ! Après, on tombe dans un état second, à moitié conscient à moitié évanoui, tellement faible qu’il faut s’accrocher à la balustrade de toutes ses forces pour ne pas être projeté par dessus-bord.

Une routine s’est ainsi installée à bord (juste pour moi, privilégiée) : vomir.coma.vomir.coma. Et ça a duré toute la journée, de 7h30 du matin jusqu’à 16h30. Vous imaginez le calvaire.

J’émergeais parfois brièvement de mon état semi-comateux pour entendre mes compagnons crier le nom d’une espèce rare :

“ALBATROS ! STORM-PETREL ! SHEARWATER !”

Moi : “Excusez-moi de ne pas me précipiter pour me mêler à l’excitation générale, j’ai un peu la tête dans les vagues là, sorry. Et je ne sais même pas de quoi vous parlez en plus.”

Ce qui en réalité se traduisait par “bwaaargh”. En fait, à part les vagues ou les brumes de mon cerveau, je n’ai rien vu. Mais alors rien de rien. Ni les albatros, ni les baleines, ni les sternes, que dalle. Ah si, j’ai entraperçu les dauphins car j’avais quasiment le nez dessus, en train de vomir pour la 11° fois. L’ornitho qui sommeille en moi en pleurait de déception et de frustration.

oiseau australie mer
Heureusement que Van est encore debout pour prendre en photo l’Australasian Gannet, appelé aussi le Fou austral (Morus serrator)

N’empêche qu’au bout d’un moment, je me suis sentie nettement moins seule (kniark kniark). Mes compagnons, un par un, ont arrêté de poursuivre les mouettes pour me rejoindre à la balustrade. Et rapidement, c’est la moitié de l’équipage qui s’est retrouvée alignée sur le pont, la tête par dessus bord, aussi pâlots et délavés que moi. AH ! On rigole moins hein !

Et Van dans tout ça ? Il avait tenu bon jusque là, s’assurant régulièrement que je sois toujours en vie, mais je l’ai vu poser l’appareil photo et me rejoindre d’un pas incertain. “Allez viens, je te laisse mon spot, c’est le meilleur de tout le bateau, accroche toi ici et là et essaye de faire un combo gagnant en visant les dauphins”. Ah c’est sûr, ça crée des liens au sein de l’équipage.

A midi et à 50km des côtes, le capitaine a stoppé le moteur, laissant le bateau à la merci des vagues. La mer était de plus en plus agitée et on commençait sérieusement à être malmenés. On a tous dû s’accrocher à quelque chose pour ne pas être projeté hors du bateau (“comptez-vous, tout le monde est là ?”). Et c’est là que le capitaine a sorti du frigo des énormes morceaux de poisson cru (et pas frais) pour nourrir les oiseaux. Il découpait ça à coup de machette, à 1m de nous (mon estomac en est encore tout retourné) et balançait la viande à l’eau pour faire venir les Albatros et les Pétrels. De quoi venir à bout des estomacs les plus coriaces. Ce capitaine est un sadique.

Pour résumer, en plus d’être malades comme des chiens, on était trempés, frigorifiés, affamés, déshydratés, frustrés, déçus et lestés de 200$.

“KILL ME ALREADY !!”

Enfin, voyant que la moitié de l’équipage était sur le point de rendre l’âme, le capitaine a décidé de mettre fin à notre souffrance et de rentrer. Ce qui a pris 3 bonnes heures, finissant de nous achever.

Une fois au port, RAAAH la délivrance.

“Terre ! Terre ! Baby c’est fini ! On a survécu !”

Jamais été aussi contents de retrouver la terre ferme. Sauf que, après le mal de mer vient le mal de terre. Et pendant 2-3 jours on se sent encore nauséeux avec l’estomac sens dessus dessous.

Bilan : ce fut la pire journée de notre vie, la pire expérience ornitho – j’ai rien vu, j’ai tout raté ! – et plus jamais au grand jamais on ne mettra les pieds sur un bateau, plutôt mourir ! ah c’est déjà fait pardon.

Quelques mois plus tard, de retour en France, j’ai raconté cette mésaventure à mon papa qui, d’un ton neutre et peu étonné, me dit :

“Ah tu tiens ça de moi, j’ai toujours été malade en bateau. Les p’tits, les gros, pas de différence. Malade.”

… Mon cher père, si il y a encore des choses que je dois savoir, MERCI DE ME LES DIRE AU PLUS VITE !!!

Pour finir sur une note un peu plus gaie, on vous a quand même fait une petite galerie photo de quelques oiseaux marins 😉

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Pour les ornitho qui ont le pied marin, on vous conseille malgré tout de faire cette sortie en mer. Ça coûte un peu cher (100$/pers) mais en une journée, vous verrez beaucoup d’espèces d’oiseaux marins. D’après le capitaine, on a vu une quinzaine d’espèces (enfin, quand je dis “on” je veux dire “la moitié bien portante de l’équipage”) :

  • Brown Skua (Stercorarius antarcticus)
  • Hutton’s Shearwater (Puffinus huttoni)
  • Fluttering Shearwater (Puffinus gavia)
  • Wedge-tailed Shearwater (Ardenna pacifica)
  • Providence Petrel (Pterodroma solandri)
  • Wilson’s Storm-Petral (Oceanites oceanicus)
  • White-faced Storm-Petrel (Pelagodroma marina)
  • Yellow-nosed Albatross (Thalassarche chlororhynchos)
  • Shy Albatross (Thalassarche cauta)
  • Black-browed Albatross (Thalassarche melanophris)
  • Arctic Tern (Sterna paradisaea)
  • Fairy Prion (Pachyptila turtur)
  • Australasian Gannet (Morus serrator)
  • et un peloton (env. 200) de Pantropical Spotted Dolphin (Stenella attenuata)
Things to do and not to do before a boat trip – Quelques conseils pour survivre un voyage en mer et éviter de finir comme nous :

-> pallier aux 3 F : Faim, Froid, Fatigue. Prendre un bon petit déj (éviter toutefois les jus de fruits) et bien dormir la veille pour arriver en forme sur le bateau. Même si c’est l’été, le froid arrive vite au large et avec le vent on devient très vite gelé jusqu’aux os. On vous conseille les gros pulls, le bonnet, l’écharpe et un imper coupe-vent, car si la mer est mauvaise vous risquez en plus d’être trempé.

-> avoir une tablette de comprimés contre le mal de mer et ne pas attendre d’être malade pour les prendre.

 

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One comment

  1. Serait-ce mon côté sadique ? Ou au contraire mon côté empathique ? Je ne sais mais j’ai beaucoup aimé cet article ! Et j’espère que JfP t’a laissé d’autres gênes , peut-être celui de l’écriture ?

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